22 février
au
25 mars 2001
Choisir de visiter la Laponie en hiver n'est pas choisir la facilité. Mais j'avais envie de connaitre le mode de vie dans ce grand froid, car d'ici on a plutôt l'impression d'une vie très dure.
Je réussis à trouver un billet aller/retour pour 240 €, prix soldé avec Nouvelles Frontières, en raison de la proximité de la date de vol. Dans l'avion qui me transporte à Rovaniemi, ville située sur le cercle polaire, mon voisin a payé ce même billet 365 €.
Difficile de prévoir son sac à dos pour une destination à –20 ou -30°. Je n'ai pas envie d'effectuer des achats avant de partir alors que sur place, je serai plus sûr de trouver les vêtements convenant à la situation.
Arrivé à l'aéroport à 15 h 30, le thermomètre affiche -16°, et il atteindra -20° le lendemain matin. Je prends mon temps et change de la monnaie avant de sortir de l'aéroport. Le trafic est restreint pour rejoindre Rovaniemi et j'attends une heure pour le prochain bus. Comme d'habitude, je n'ai rien retenu et je cherche l'auberge de jeunesse de nuit – aucun problème de place, nous sommes en basse saison.
Mon équipement tient la route et j'ai encore de la réserve. Le plus difficile sont les lèvres, surtout ne pas se lécher – et les narines, avec les poils qui givrent et il est nécessaire de se pincer le nez. J'ai encore le passe montagne de Steven en réserve pour le plus grand froid.
Attention quand on marche, c'est glissant. Tous les circuits pour piétons sont gravillonnés sur la neige. Les voitures roulent comme sur une route dégagée alors que tout n'est que neige tassée – les pneus neige sont une obligation, mais je m'attendais à plus de neige – 30 à 40 cm sur les côtés de la route. La conduite est souple.
Autre surprise – alors que je pensais que les jours étaient courts comparés à la France, je suis étonné de voir que la durée est la même. En fait, nous sommes fin février et les jours ici, après être passés par un minimum de 4 h environ fin décembre, sont en phase d'augmentation très rapide pour atteindre environ 20 heures à la fin de juin – si bien que la phase jours très courts est assez courte. En plus, les deux premiers jours je bénéficie d'un soleil à rendre jaloux les Français de l'ouest.
Ma première demi-journée est consacrée à la recherche des infos, aux achats de cartes et d'un billet de bus un peu spécial. On achète un forfait de kilomètres - 1000 dans mon cas, pour 65 € - et on reçoit en échange des coupons-billets de 5, 10, 50, 100 km, pour payer les trajets. C'est une formule beaucoup plus avantageuse que de payer chaque trajet individuellement.
La vie semble au moins aussi chère qu'en France, mais je m'y attendais un peu.
Le lac qui borde Rovaniemi est complètement gelé. Impossible de distinguer si l'on est au dessus de la terre ou au dessus de l'eau. Je rejoins un pécheur – il a réalisé deux trous de 15 à 20 cm de diamètre à la tarière. La glace fait environ 50 cm d'épaisseur et on me dit qu'elle peut supporter des dizaines de tonnes. Les périodes dangereuses sont le début du gel et le dégel.
Les immeubles sont tous avec doubles fenêtres et bien chauffés. On ne peut pas dire que les gens dans la rue sont très sexy – grosses vestes, gros manteaux, moufles, bonnets sur les oreilles, grosses chaussures – beaucoup de femmes portent des manteaux très longs retombants sur les chaussures.
L'après midi du premier jour je visite le village du Père Noël à 8 km de Rovaniemi – The Santa Claus Village. C'est le rendez vous des touristes, et je fais comme tout le monde. En fait, il n'y a pratiquement rien à voir – j'y écris des cartes postales que je poste, avec le tampon du Père Noël. Ce village reçoit plusieurs dizaines de millions de lettres chaque année en provenance du monde entier. Le "most" (plus) est de faire envoyer un cadeau de là-bas pour le noël prochain – et,……ça marche – tout est commercial.
Je rencontre le Père Noël et discute un peu avec lui, mais pour ce qui est de prendre une photo – "niet", un professionnel est là pour cela et, …… vous passez à la caisse. Je suppose qu'il est polyglotte.
J'ai le temps et je fais le trajet retour à pied, ça me permet de tester une longue marche sur la neige par le froid. A -20° le matin, il faut utiliser les gants comme des moufles en regroupant les doigts sur la paume. Je me dis que si je supporte -20° la première journée sans trop de difficulté, je dois pouvoir tenir à -30° au bout d'une semaine. La seule chose qu'il ne faut pas oublier est de toujours bouger – pas question d'attendre un bus en pleine campagne sans bouger.
Au premier abord, l'accueil est très sympathique, mais je pensais que les gens parlaient plus l'anglais, les chauffeurs en particulier. Ça augure quelques petits problèmes de communication quand je serais dans les villages isolés.
A Rovaniemi, les voitures en stationnement sont rangées, comme des voitures parquées, et branchées sur une prise de courant. Je pensais au début à des voitures électriques et c'est la première réponse que l'on m'a effectivement donnée, mais j'ai appris par la suite que ce sont des véhicules normaux équipés d'un système de réchauffement du moteur pour éviter que l'huile du moteur ne fige par le froid. Sans cet artifice le moteur n'est pas lubrifié pendant les premières minutes après un démarrage et c'est très mauvais "pour sa santé".
Mardi 27 février 2001 – départ en bus pour le nord-est avec pour point de mire un petit village près de la frontière de Russie, Naruska, à 200 km de Rovaniemi. J'enfile 3 bus pour arriver à 15 km du but et puis là, plus rien. Je le savais et mon guide (livre) me signale un hôtel sur place. C'est un cul de sac et je décide d'effectuer ces 15 km à pied et chargé. J'ai environ 5 heures devant moi avant la tombée de la nuit et au pire, si le stop ne marche pas, cela devrait faire. C'est long de marcher tout seul sur la neige quand il n'y a que la forêt qui vous entoure. Par moment je ne suis quand même pas trop rassuré car il existe encore beaucoup de loup dans cette région. Je marche environ pendant 1 h 30 avant de voir la première voiture dans ma direction – et ça marche. Le couple parle anglais – ils ont été deux fois en France – et ils m'emmènent directement au semblant "d'hôtel" de ce village – une grande maison complètement isolée en forêt. Il n'y a personne. L'homme décroche son portable – la femme cherche la clé dans un pot à l'entrée et me voilà installé sans que je comprenne réellement où je suis. En fait après explication, le propriétaire est un de leurs amis, et je suis maître des lieux pendant au moins deux heures, jusqu'à ce que le fils rentre de l'école.
La définition de village ici s'apparente plus à un hameau avec des maisons très éparpillées dans la nature. 39 familles composent ce village étalé sur 10 km environ.
Mercredi matin, le thermomètre affiche -26°, et on m'annonce qu'il fait -35° dans le nord. Le record ici remonte à 2 ans avec -54°. La chaudière à bois de cette grande maison mesure 1,50 m X 1 m sur 1,50 m de hauteur et engouffre chaque hiver environ 33 cordes de bois (100 m3). Ce bois vient de Russie, à 10 € le m3, 2 fois moins cher que le bois du pays.
Je loge dans une famille super sympa – les deux parlent anglais. J'y reste 2 nuits et chaque soir j'ai droit au sauna en famille. Leurs salaires est de 2200 € chacun par mois – une personne sans travail ici touche environ 420 € et le salaire minimum est de 850 €. Ils reconnaissent avoir un bon salaire mais ……. on a besoin de tout ! Le mari travaille dans la police à 40 km. Son rythme de travail est par tranches de 11 jours suivis de 10 jours de repos. Madame enseigne la couture.
Leurs dernières vacances, ils les ont passées en Russie – 15 jours de camping. La Russie est à 4 km à vol d'oiseau. J'ai visionné le film de leur séjour – c'est une zone sauvage, forêts, rivières, la nature au vrai sens du terme. Ils ont passé ces 2 semaines à pêcher et faisaient de grands feux de camp chaque soir. Les routes qu'ils empruntaient n'avaient que le nom – il faut un 4x4 pour circuler.
La Russie a annexé une bande de terre de 50 à 100 km prise à la Finlande après la guerre. Les Allemands occupaient cette zone et ont été chassés par les Russes, qui y sont restés.
Le matin j'ai droit à une visite guidée en 4x4 jusqu'à la fin du cul de sac – qui n'en est pas un l'été. Nous nous payons un fossé caché sous la neige – le déneigeage avait été décalé de la route à cet endroit. Sans les 4 roues motrices nous aurions dû faire appel à un autre véhicule pour en sortir. Nous visitons dans notre tournée deux de ses amis.
Mon guide me dit que pendant un mois l'année environ on ne voit pas le soleil, juste une lueur bleutée, pendant 3-4 heures quand le ciel est clair et 2-3 heures quand le ciel est nuageux. Beaucoup d'habitants qui vivent dans ce village sont là par goût de la nature et de tranquillité. Mes hôtes ne veulent à aucun prix quitter la région – mais la voiture et le téléphone (mobile) sont indispensables. Les anciens, comme partout, s'en vont en ville près des commerces et médecins.
Jeudi 1er mars – départ pour Sodankyla. J'arrive de nuit et trouve un hôtel à 30 € avec petit déjeuner, tout près de la station de bus. Visite à pied de la ville le soir par un affichage à -25° dans la rue – c'est OK, mais il faut marcher et recroqueviller les mains de temps en temps dans les gants. Les gens font leurs courses, mais pas de causette sur les trottoirs.
Le lendemain, mon bus est à 7 h 30 du matin. Pendant mon petit déjeuner j'ai du mal à quitter des yeux le thermomètre qui affiche -37° - ouah ! Je m'empresse de le prendre en photo. En sortant de l'hôtel, j'ai les poils des narines qui givrent et suis obligé de me pincer le nez – heureusement que je n'ai que quelques centaines de mètres à parcourir. C'est supportable mais pour y rester plus longtemps je devrais m'habiller un peu plus.
Direction Ivalo, puis Inari en 2 bus de la poste. Ici, pour simplifier et réduire les coûts, bus, poste et petits transports ne font qu'un. Je trouve cela très astucieux, au lieu de faire passer 3 véhicules, le même assure les 3 services. Le bus est divisé en deux – l'avant avec des sièges passagers et l'arrière en camion avec une cloison pleine entre les deux. Le chauffeur distribue le courrier des petits hameaux le long de la route. Une "boite à lettre" collective, genre grand panier ouvert et couvert à chaque bout de chemin reçoit le courrier du hameau. Le paquet, courrier ficelé collectivement, est lancé du siège du chauffeur par la porte du bus ouverte, à 2,50 m environ de la cible. Le premier chauffeur était très adroit, il n'arrêtait pas son bus et passait à petite vitesse devant les boites. En moyenne, les chauffeurs manquent leur cible tous les 15 à 20 boites et s'arrêtent pour remettre le paquet. Ils livrent également les postes des bourgs traversés qui sont en même temps des arrêts de bus.
J'arrive à Inari vers 13 heures – un seul hôtel – pas cher, mais l'employé me prévient : "il y a une soirée disco de 10 h à 3 h du matin, comme tous les vendredis, et les chambres sont justes au dessus. Tant pis, je n'ai pas beaucoup le choix – et je pense que la meilleure solution est de dormir un peu avant et d'aller à cette soirée. Je descends donc vers 11 heures du soir et remonte ….. quelques minutes après. Il y a une vingtaine de personnes assises aux tables du café en train de boire et fumer – personne ne danse – c'est une musique boum-boum-boum – les gens sont dans leur tenue d'extérieur, c'est-à-dire chaussures de neige, combinaison, grosse doudoune et même bonnet – rien à voir avec l'image que je me faisais d'une soirée disco. J'ai quand même pu dormir correctement.
Dans l'après midi, avant cette soirée, j'ai eu tout le temps de visiter la région et entre autre un musée très conseillé sur les guides. C'est l'histoire de toute la Laponie depuis mille ans avant JC et avec tout ce que l'on peut y trouver aujourd'hui. J'y suis resté environ 2 heures – une durée exceptionnelle pour moi.
Départ le lendemain vers 13 heures pour Utsjoki, l'extrême nord de la Finlande. A l'arrivée j'essaie de m'informer sur les hôtels pas trop chers car le village semble tout petit. Deux filles avec sacs à dos sortent du bus en même temps que moi – elles sont de Helsinki et ne connaissent pas la région – mais attendent une personne qui est chargée de les prendre en charge. Elles se proposent de le questionner sur les possibilités de dormir ici quand elle arrivera. Nous avons juste le temps de prendre un café quand un homme arrive - c'est leur guide. Ma question semble embarrassante car il n'y a pas d'hôtel ici. Première proposition : un chalet à 60 € la nuit – je ne peux pas me le permettre dans ce type de voyage – attendons ! Deuxième proposition : loger chez ses parents à lui pour 25 € la nuit – j'accepte, je n'ai pas beaucoup le choix.
Nous partons en 4x4 accompagnés des 2 filles qui apparemment n'ont pas à chercher de logement. Nous arrivons dans une cour avec une trentaine de rennes parqués dans un enclos et notre chauffeur part les nourrir – c'est donc un éleveur de rennes. En allant vers l'enclos, je demande aux filles si elles savent combien il en possède. Question à ne pas poser ici car elles me disent que c'est la même chose que de demander à quelqu'un combien il a d'argent en banque. Mais elles m'invitent quand même à poser la question. J'essaie de détourner un peu la question en demandant combien il a d'animaux – gros rire sympa – mais je n'ai jamais eu de réponse précise.
Accrochés à la charpente des bâtiments, des quartiers de rennes sont suspendus et desséchés par le froid. C'est le moyen de conserver la viande ici l'hiver. On peut ainsi la manger crue et déshydratée par le froid. C'est bon mais ça tient bien sous la dent.
Arrivé à la maison du père, il était avec un ami – la mère est décédée depuis quelques années. On fait les présentations ……….. aïe, aïe, aïe, il est âgé, ne parle pas un mot d'anglais, et moi pas un mot de finlandais ou "sami", la langue lapone. Tout le monde se rend compte du malaise que ça peut engendrer pour le père qui a autour de 75 – 80 ans. Grosse discussion sur moi – et les filles proposent que je loge dans le même chalet qu'elle – c'est OK pour tout le monde. Direction le chalet à 300 m – il y en a 5 ou 6, tous vides. Deux chambres de deux lits, une pièce cuisine-cheminée-salon, une salle d'eau-WC et l'incontournable sauna – le rêve. Les deux filles sont photographes professionnelles et sont ici pour faire des photos très précises de la montagne pour un montage sur une histoire d'ours – quelque chose de très professionnel. Il leur faut des conditions de temps et de lumière très précises. L'homme qui est venu nous chercher au café est chargé de les prendre en charge pour le séjour et de les conduire là où elles veulent aller. Il est éleveur de rennes – ici on dit "reindeer man" et on ne parle pas de ferme. Pendant la crise, au début des années 90, il a investi dans ces chalets qu'il loue du mois d'avril à octobre. Il connait parfaitement la montagne pour y vivre et l'hiver est sa période creuse. Pendant la saison, il peut accompagner les gens à la pêche, à la chasse, ou toute sorte d'autres activités. La semaine où je séjourne coïncide avec les vacances scolaires et c'est des demi-vacances pour toute la famille – ses deux enfants et sa nouvelle compagne. Je suis invité à les suivre partout, partout, sans jamais m'imposer. Il est payé pour guider et accompagner les deux photographes – je profite de tout – je suis l'invité surprise. Mes vêtements n'étant pas considérés assez bons pour ce climat on me prête gracieusement une salopette, une paire de bottes et une veste – rien à voir avec mes affaires personnelles.
Nous mangeons du renne presque à tous les repas, sous toutes ses formes. Par deux fois nous partons avec toute la famille au bord d'un lac pour pique-niquer. Arrivés sur place, nous organisons un feu sur la neige en bord de lac avec les peaux de rennes autour pour s'assoir. Au menu, viande grillée au feu de bois, poissons grillés fraîchement pêchés, saucisses, café, etc. Pour pêcher, on fait un trou dans la glace avec une grande vrille (une tarière), 12 cm de diamètre environ. Par endroit l'épaisseur de la glace atteint 80 cm et la hauteur d'eau sous celle-ci varie de 1 à 3 mètres. On se couche sur une peau de renne au bord du trou et on pêche avec un bout de fil et un hameçon. La glace se reforme très vite et il est nécessaire en permanence de dégager le trou. Les poissons que nous pêchons sont plutôt petits, 2-3 doigts de largeur, mais très bons quand même, grillés au feu de bois.
A voir ce tableau de l'extérieur et en oubliant la température, on se croirait à un pique-nique d'une famille française un dimanche au bord de l'eau. Les enfants sont comme des "poissons dans l'eau" avec ce froid, ils pêchent comme les adultes, couchés sur la neige.
Nous parcourons ainsi de 2 à 300 km en motoneige, souvent par -10, -20° avec un vent de montagne. Nous sommes installés dans un traineau à double "bancs" tiré par la motoneige - assis sur le bois avec une peau de rennes comme coussin et une couverture sur les genoux. Par endroits nous passons dans de la soupe et notre guide cherche la meilleure passe. Je ne suis pas toujours très rassuré car nous n'avons aucune idée de l'épaisseur de la glace sous cette soupe. Je pense que tomber à l'eau à une heure d'une habitation ne laisse pas beaucoup de chance de survie. Et il y a des morts tous les ans comme cela.
La vitesse augmente l'intensité et le ressenti du froid et les parties des joues à l'air libre sont comme brûlées. C'est quand même pénible. Merci pour les vêtements prêtés – j'ai juste souffert un peu des pieds et des mains de temps en temps. Il ne faudrait pas être obligé d'enlever ses gants pour prendre des photos. Les 2 filles et la famille étaient mieux équipées avec une paire de gants et une paire de moufles par-dessus, ainsi les mains ne sont jamais nues.
Nous assistons à une capture de rennes au lasso – les bois aident à la capture.
Un soir près de la frontière norvégienne, alors que nos photographes sont en action, un troupeau de rennes se rapproche progressivement et nous contourne. Nous ne bougeons pas – notre guide nous explique qu'ils se mettent dans le sens du vent par rapport à nous. Les plus hardis s'approchent à une quinzaine de mètres – plus de 150 têtes nous observent et nous reniflent – que c'est beau dans la nature.
Vers le milieu de notre séjour, notre guide nous laisse, les deux filles et moi, dans un refuge en montagne à 15 km environ du village pour 3 jours et 2 nuits. Le but est de pouvoir faire des photos tôt le matin ou tard le soir. Nous avons un bon chauffage avec un poêle à bois et nous nous levons la nuit pour réalimenter le feu. Le premier soir, nous observons une aurore boréale pendant 30 secondes environ. C'est magnifique – comme de la magie dans le ciel – les formes, les couleurs qui se déplacent……. à voir.
Le soleil sur la neige à cette saison n'est pas trop pénible, il est encore en rase-motte.
C'est le retour au chalet pour moi, les filles resteront un peu plus longtemps au refuge. Grosses embrassades et larmes – eh oui ! C'était très fort ces 6 jours que nous avons passés ensemble. Plus d'une heure de trajet pour moi en "tape cul", c'est dur. Arrivé au chalet – douche – sauna – lessive, tout est à laver. J'ai du poil de renne partout – je crois même que j'en ramènerais en France. Je mets le sauna en chauffe une partie de la nuit pour sécher tout ça. La nuit est appréciable.
Le lendemain, le couple passe me voir vers 10 heures comme prévu. Je paie largement ce qu'il me demande – 170 € pour 100 € demandé – j'estime que ce n'est vraiment pas cher payé pour 6 jours, nourris. Ils sont ravis de ce séjour eux aussi et m'annoncent qu'ils vont chercher les deux filles au refuge car le temps n'est pas beau pour la photo et les prévisions ne laissent pas prévoir de meilleurs jours.
Je prends mon "taxi poste" à 3 heures, le chauffeur est averti, je n'ai à m'occuper de rien.
Sa compagne qui était plutôt en retrait les 2 premiers jours semble enchantée de ce qu'elle a vécu aussi cette semaine. Personne ne se connaissait avant – il y avait juste eu un arrangement par téléphone avec l'agence des 2 photographes. Si je suis disponible l'été prochain, je suis invité pendant 2 mois pour m'occuper des rennes avec lui, et ….. c'est du sérieux. L'été il est débordé de travail avec les touristes en plus du troupeau. Pendant ces 6 jours je lui ai rendu quelques services en réparant des petites choses dans le chalet et surtout en aidant à creuser une tranchée pour atteindre une tuyauterie gelée à 1,50 m de profondeur. J'ai vraiment mouillé ma chemise ce jour là, pendant 1 h 30, alors que les autres se gelaient à me regarder. Ça, ce sont des petites choses qui ne coûtent rien et qui aident beaucoup dans la relation avec les gens.
Dommage pour l'été prochain, mais je suis encore en activité, sinon je pense que cela aurait été une bonne expérience aussi.
Pour dégeler le sol, ils utilisent comme un grand radiant électrique – taille et épaisseur d'un sommier de deux personnes – qu'ils posent sur le sol pendant 12 ou 48 heures. Ensuite ils creusent. C'est également cette technique qui est utilisée pour creuser les tombes dans les cimetières en période de gel.
Le cancer de sa mère : sa mère est décédée d'un cancer quelques années plus tôt. Le nombre de cancer dans cette partie de la Finlande est très élevé et les Russes sont mis en cause avec leur essais atomiques directement sur la population dans les années 60–70. Il semblerait que les Américains ont réalisé la même chose en Alaska sur leur propre armée dans la même période.
Chez les Lapons, la suprématie de l'homme est plus marquée que chez nous. Les habitudes ancestrales sont difficiles à modifier.
Retour au voyage. Je prends donc le taxi poste à 3 heures en direction de Karigas-niemi, à 100 km au sud en longeant la frontière norvégienne. Chauffeur ancien – pas un mot d'anglais, mais trajet sympa. Il s'arrête une cinquantaine de fois pour mettre le courrier dans les boites au bord de cette route.
Arrivé à Karigasniemi, j'attends un bus pour Karasjok en Norvège, à 18 km. En me servant un café je discute avec un couple que je laisse passer devant moi. Le hasard fait qu'ils vont s'assoir à la table où j'ai déposé mon sac à dos. Je les rejoins et j'apprends qu'ils habitent Karasjok, là où je me rends et qu'ils attendent leur voiture en réparation dans un garage ici, en Finlande. Très discrètement (c'est vrai) je redis que j'attends mon bus de 7 heures pour Karasjok, et…. 10 mn plus tard, je me retrouve à l'arrière de leur voiture et invité à loger chez eux. C'est un couple bizarre, non marié. Ils ont beaucoup voyagé, surtout lui. Elle a fait un chantier de jeunesse dans le sud de la France et en garde un merveilleux souvenir. Lui a 53 ans, elle…….. 23. Lui est traducteur lapon et elle étudiante. On est vendredi soir et ils déménagent lundi après midi à 500 km. La maison est envahie de caisses – un peu bazard – mais à l'image de leur vie. Aucun horaire pour le repas – ils se lèvent à 10 heures le matin pratiquement tous les jours – la cuisine est un amoncellement de vaisselle sale. Je me fais un plaisir de faire un grand lavage de vaisselle et de nettoyer la cuisine le matin. Ambiance sympa.
Le lendemain, c'est samedi et aucun bus pour le nord – je décide de tenter ma chance en stop pour Lakselv à 74 km. J'ai du temps – je prends place sur la route à 11 h 45 et vu la température, je fais les 100 pas en permanence pour ne pas geler sur place. Je marche ainsi pendant 3 h 45 exactement avant d'abandonner ma place. Je voulais faire l'essai – eh bien, ça n'a pas fonctionné.
Retour chez la famille hôte de la nuit dernière où j'espère obtenir une seconde nuit chez l'habitant. C'est une situation toujours difficile, bien qu'ils m'avaient proposé cette solution au cas où. Arrivé à destination – pas de voiture et la porte est fermée. Je dépose mon sac à la porte et retourne bien vite en ville où j'entends les cloches de l'église sonner la sortie d'un mariage lapon en costume traditionnel. Ils n'ont pas arrêté de passer et repasser devant moi en voiture pendant que j'attendais une hypothétique voiture. Je cours presque pour ne pas louper ça et finalement, j'ai de la chance que le stop ne marche pas aujourd'hui. C'est vraiment le coup de bol de tomber sur ce type de mariage. Les tenues sont splendides et très colorées.
Retour à la maison – mon sac est toujours devant la porte. Je décide d'attendre au café et de manger. Vers 8 h 30 je tente le téléphone et ça répond – ils m'attendent. Le lendemain, mon bus n'est qu'à 15 heures, j'aide à charger le camion, et à démonter quelques meubles avant de les quitter.
Arrivé à 19 h 30 le dimanche soir, pas de chance l'hôtel bon marché est fermé le week end et il n'en reste qu'un à 75 € la nuit. J'étais prévenu, le coucher est cher en Norvège. Mais il faut faire une moyenne et le fait de trouver à dormir chez l'habitant de temps en temps module la dépense.
Le Cap Nord est à 30 km et je dois faire une croix dessus car la route est bloquée par la neige. Je passe deux nuits dans ce bout du monde et me balade toute la journée dans cette ville de 3000 habitants. Le décor est magnifique – maisons en bois de couleurs très variées, accolées à la montagne et les pieds dans l'eau, le tout recouvert d'une bonne couche de neige. C'est beau mais je sens que je vais vite tourner en rond. Tout est hors de prix ici – il faut que les salaires soient élevés pour y vivre.
Nous sommes au royaume de tout ce qui glisse sur la neige – des traineaux-poussettes pour remplacer le vélo. On l'utilise comme une paire de ski dans les descentes et comme une trottinette dans les montées et sur le plat. Ça sert à transporter les courses, les petits enfants comme dans un landau – ça sert de déambulateur pour les anciens et c'est très sécurisant.
Le lendemain, je décide de prendre le bateau pour descendre la côte norvégienne jusqu'à Harstad – 24 heures de navigation, et ça me changera de la route. Nous voilà partis entre les îles. Nous longeons les petites montagnes qui plongent dans la mer. Des villages et petites villes paraissent comme accrochés à la montagne. On se demande, vu de bateau, comment on peut y accéder – mais il y a des routes, invisibles, car elles sont blanches comme le reste. Le bateau est presque vide – c'est vraiment la basse saison – au point qu'ils font des promotions pour le mois de mars avec le transport gratuit des voitures.
Mais toutes les bonnes choses ont sans doute un goût qui se détériore avec le temps qui passe – c'est très beau les premières heures – ensuite ça devient plus banal – et pour finir, j'ai hâte que la nuit arrive pour couper cet ennui du bateau.
Arrivé à Harstad, j'essaie de contacter Nouvelles Frontières à Paris pour avancer mon retour d'une semaine. Cette partie du voyage me motive moins, surtout après avoir vécu la semaine avec l'éleveur de rennes. J'ai vécu ce que je voulais vivre – découvert la vie de la population dans cette partie du monde en pleine hiver, et j'ai l'impression que tout ce que je vais vivre maintenant sera plus fade. Paris me répond que c'est impossible et que de toute manière l'avion est complet. Je ne leur fais pas vraiment confiance et pense tenter un retour avancé quand même. Nouvelles Frontières a un vol par semaine et je connais l'horaire.
Je rejoins donc Rovaniemi en 2 jours sans chercher vraiment à m'attarder sur mon itinéraire – bus, train, auto-stop comme d'habitude.
Je me pointe à l'aéroport 2 heures avant l'embarquement avec mes sacs. J'attends que tous les voyageurs soient enregistrés et tente ma chance auprès de l'hôtesse la plus souriante. Je demande si l'avion est complet : "non". Je présente mon billet et lui propose un marché : " voilà, j'ai un billet de retour pour la semaine prochaine – si je prends ce vol je libère une place dans le prochain vol, ce qui donne la possibilité à la compagnie de vendre un billet supplémentaire." Après vérification de mon billet, elle part demander conseil dans les bureaux et revient quelques minutes plus tard avec un large sourire.
Me voilà dans l'avion de retour. Un avion complet à Paris s'avère avoir 20 % de sièges vides – j'ai 3 sièges pour moi tout seul et peu m'allonger pendant le vol.