(Suite de l'Egypte)
Entrée en Jordanie le 2 février 1990 : Le voyage par bateau depuis Nuweiba aura duré 3 h 30 sur une mer calme. La mer d'Aquaba est une zone très touristique où fleurissent les hôtels grand luxe. Beaucoup d'européens y séjournent pendant l'hiver, les plages sont magnifiques.
A Aquaba, je n'y resterais qu'une nuit, et je pars pour Pétra, avec un américain et un allemand.
Pétra : c'est une ancienne cité troglodyte créée vers le 8 ème siècle av. J.C.
Les façades monumentales des bâtiments sont directement taillées dans la roche. L'endroit n'est accessible que par un étroit sentier montagneux, un canyon d'environ 1,5 kilomètre de long et jusqu’à 200 mètres de profondeur. L'endroit le plus resserré mesure seulement deux mètres de large.
C'est dans ce site qu'a été tourné le film Indiana Jones. Beaucoup de touristes visitent ce site à cheval. L'écurie comprend 350 chevaux. Magnifique.
Après Pétra, je tente de rejoindre Amman en stop. Je ne choisis pas la facilité car ici personne ne fait de stop, et dans les pays pauvres prendre quelqu'un sur le bord de la route c'est dans l'intention d'en tirer un bénéfice. Une vieille Mercédès s'arrête et accepte quand même de me prendre à son bord. Il me rapprochera de 80 km. Je décide ensuite de finir le trajet en bus pour plus de sécurité. Je ne sais pas où et comment ils apprennent à conduire mais quelle que soit la largeur de la route, j'ai l'impression qu'il faut l'utiliser dans toute sa largeur, même en haut de côte alors qu'on ne double pas.
La Jordanie, 2 500 000 habitants sur une superficie 5 fois moins étendue que la France. On y parle l'anglais un peu partout et c'est beaucoup plus propre et plus évolué que l'Egypte. Le pays est en grande partie composé de désert. J'ai vu ma première pluie depuis 2 mois à Pétra et depuis il pleut un jour sur deux. La température a fortement baissé depuis l'Egypte, environ 10° en ce moment – vivement le beau temps !
A Amman, je passe mon temps à demander la permission de visiter Jérusalem et des visas pour d'autres pays que j'aimerais visiter ou traverser. Aujourd'hui, lundi 5 février, je demande un visa pour l'Irak et un pour le Yémen. Tout le monde rêve d'aller au Yémen du nord en ce moment, on dit ici qu'on y vit comme au moyen âge. J'irais soit d'un côté, soit de l'autre.
Mardi 6, demande d'un visa de transit à l'Ambassade de l'Arabie Saoudite, 3 jours maximum, pour me rendre au Yémen. On me dit qu'en principe cette demande ne pose pas de problème. Eh bien, déception encore une fois. L'employé me répond que c'est possible, mais comme je suis français et que je ne réside pas en Jordanie je dois faire ma demande en France. Tout est fait pour mettre des bâtons dans les roues et les réponses semblent être différentes en fonction de la personne que l'on a en face de nous. Aujourd'hui, je ne sais pas du tout dans quel pays je me rendrais en sortant d'Israël, mais j'ai encore le temps d'y penser.
Contact avec les femmes : je marche dans la rue pour rejoindre mon hôtel. Une femme voilée marche devant moi – il n'y a presque personne autour et je décide de lui demander mon chemin (alors que je le connais). Elle détourne la tête vers moi et en une fraction de seconde la retourne à l'opposé et accélère son pas pour s'éloigner rapidement. Eh bien, pas besoin de parole ……., vous comprenez vite que ça dérange. A éviter une prochaine fois.
L'après midi du 6 février est consacrée à la visite de Jerash, une cité antique greco romaine, à 50 km d'Amman. Deuxième destination touristique de Jordanie après Pétra - c'est un très joli site avec des centaines de colonnes, une place ovale, deux théâtres, le tout bien rénové. Certaines parties datent du 4ème siècle avant JC.
Le 7 février, départ pour Jérusalem. C'est tout un programme pour passer la frontière. D'abord, nous prenons un taxi de groupe d'Amman jusqu'au poste de frontière jordanienne – les jordaniens et les étrangers sont séparés, ils ne passent pas à la même douane. Après une vérification de tous les papiers, nous montons dans un bus spécial qui passe la zone séparant les deux frontières. Pendant ce transfert dans cette zone nous subissons 2 contrôles. Arrivés à la douane israélienne tout le monde descend et le bus retourne en Jordanie. La fouille israélienne est plus sérieuse – tout est vérifié – je dois prendre une photo du plafond pour assurer qu'il n'y a rien de caché à l'intérieur de l'appareil, mon appareil pourrait n'être qu'une enveloppe bourrée d'explosif ! Je dois aussi laisser l'alimentation que je transporte, 2 boites de sardines et quelques bricoles. Jai également un paquet de biscuits que je ne veux pas jeter à la poubelle. La seule solution que je trouve est de l'avaler, sous le regard amusé du douanier …….. non mais quand même, il ne faut pas exagérer !
La douane et les formalités passées nous embarquons dans un bus en direction de Jérusalem.
Israël
L'après midi est consacré à la visite de la vieille ville en compagnie d'un Japonais – grande mosquée, mur des lamentations, etc. - une mariée juive vient même y prier le jour de son mariage. C'est un autre monde – Jérusalem grouille de communautés religieuses, catholiques, musulmanes, juives, et sans doute bien d'autres, et tout le monde se croise et "semble" se respecter. Les hommes juifs sont reconnaissables à leur barbe, le port d'une petite calotte (kipa) ou un chapeau sur la tête, ou encore de longues nattes de cheveux tressés devant les oreilles.
Le lendemain, toujours avec le jeune Japonais, nous visitons Bethléem et notamment la basilique de la nativité. Je ressors un peu déçu - c'est un peu trop touristique pour moi et il n'y a pas grand-chose à voir.
Scène de rue : nous assistons à une scène qui aurait pu mal finir. A Bethléem, en descendant d'un petit marché par une ruelle, il y avait là 4 soldats israéliens armés (il y en a partout) qui se prenaient mutuellement en photo. Comme j'avais l'intention de les prendre en photo, je me dis que c'est le moment de leur demander. Ce que je fais, et très gentiment ils me répondent que ce n'est pas autorisé, mais par contre je peux prendre toutes les photos que je veux en dehors d'eux. Nous continuons à discuter, d’où l'on vient, Japon, France, - quand une pierre nous a sifflé, nous rasant les jambes. Les 4 militaires se retournent précipitamment et l'on entend "clac, clac, clac", le cran de sécurité des mitraillettes enlevé et le doigt sur la gâchette prêt à faire face à l'agresseur. Un arabe avait lancé une pierre plate du haut de la ruelle, un peu comme on lance une pierre sur l'eau pour y faire des ricochets. Pris dans la tête ou n'importe où cela doit faire très mal. Les soldats ont continué à descendre la ruelle mais à reculons en gardant les mitraillettes pointées vers le haut de la rue. Nous n'avons pas demandé notre reste et nous nous sommes bien vite éclipsés sur le côté. On nous a dit après que cela arrive de temps en temps mais surtout des pierres lancées à partir des toits.
L'après midi, départ de Jérusalem en direction d'un Kibboutz près d'Eilat tout au sud. Un canadien rencontré en Egypte y a travaillé et me l'avait conseillé. Ce kibboutz comprend 120 israéliens et 40 volontaires, des jeunes qui viennent pour quelques mois travailler ici tous frais payés, mais ne sont pas rémunérés. Au bout d'une heure dans ce Kibboutz on m'annonce qu'on ne pourra pas me garder, faute de travail suffisant. Mais je pense plus que la raison principale est qu'il faut passer par une agence des kibboutz qui gère les volontaires. Je le savais mais j'ai tenté ma chance car dans celui-ci les volontaires font partie de la communauté, ils mangent dans le même réfectoire, ils font beaucoup d'activités en commun, alors que dans la plupart des kibboutz, les volontaires vivent entre eux, complètement séparés des israéliens. Ils sont traités comme des salariés. Voilà pourquoi j'ai essayé de forcer le destin.
Il est tard et on m'offre le couvert et le gite pour quitter les lieux le lendemain matin – direction Tel Aviv.
Je gagne Tel Aviv le vendredi à 13 h. Tout est fermé et il faut attendre le dimanche matin pour l'ouverture des bureaux. Ici, c'est le chabat et le samedi correspond au dimanche chez nous. Deux jours à passer à Tel Aviv et peu de chose à visiter, avec un temps pluvieux et plutôt froid. Je reviens d'Eilat où c'était presque l'été, sans un nuage, mais c'est aussi le désert …… cultivé.
Finalement ces deux jours me donnent un peu de temps pour écrire et j'en profite pour lire quelques journaux français.
Dimanche matin, premier jour de la semaine de travail, je me précipite à l'office des kibboutz pour apprendre que je suis trop âgé pour prétendre travailler comme volontaire dans un kibboutz. C'est la douche froide. Ils prennent des jeunes de 18 à 32 ans et …… j'en ai 43. Je tente une autre agence – même résultat. Que faire ? J'ai besoin de m'arrêter pour éviter de courir les routes et les pays car je commence à ne plus apprécier de la même façon.
Entretien chaleureux !!! : J'arrive dans l'office des kibboutz pour expliquer ma demande au bureau – la personne m'explique que ce ne sera pas possible. Je tente d'argumenter en expliquant mes différentes expériences – l'homme se lève et disparait dans la pièce voisine. Je comprends après quelques secondes que pour lui la conversation est terminée. Résultat – vous vous levez et partez.
Une anecdote qui résume assez bien l'accueil en Israël - à l'exception des kibboutz.
En descendant de Jérusalem au Kibboutz près l'Eilat, j'ai rencontré un belge qui m'a parlé d'agriculture biologique en Israël. Et comme je semblais intéressé il m'a donné le nom du responsable et un numéro de téléphone. C'est peut être une autre porte qui s'ouvre car je m'intéresse depuis déjà longtemps à ce sujet. Le plus difficile est de trouver cet homme, pas forcément très connu du public. J'aboutis à un répondeur, et pour compliquer ….. en hébreux. Je laisse un message en anglais et français et demande de me rappeler à l'hôtel. Aucune réponse n'arrive ! Entre temps, je réussis à trouver dans un "bureau agricole" de Tel Aviv, une personne qui le connaît et me donne l'adresse où il travaille – un kibboutz près de Tibéria. Départ le lendemain par bus à destination de ce kibboutz. Le réseau de bus est un modèle dans ce pays. Arrivé sur place, c'est l'heure du repas de midi et l'on m'invite à manger. Mais,…… il y a un petit problème – nous sommes dans un kibboutz juif, comme il y en a des centaines ici, et …… je n'ai pas de kipa à me mettre sur la tête. Le port de la kipa est obligatoire au réfectoire. On cherche un kipa pour moi et après un moment d'hésitation on me fait entrer quand même et je peux manger comme tout le monde. En regardant autour de moi, je m'aperçois que je suis le seul homme sans kipa.
Après le repas, nous cherchons ce monsieur Mario Levi partout, et on en déduit qu'il n'est pas au kibboutz aujourd'hui. Il est sans doute parti dans d'autres kibboutz pour visiter ou étudier - personne ne sait. Ce monsieur Levi est un homme qui fait beaucoup pour la culture biologique mais il travaille seul, sans adjoint ni secrétaire. On me conseille de lui téléphoner le soir autour de 21 h et chez lui car il écoute rarement son répondeur. Je repars et trouve un hôtel à Tibéria, à 40 km environ du kibboutz. Vers 21 h je téléphone comme conseillé, mais sans succès.
Dans ce kibboutz, je sens qu'ils peuvent m'accepter mais cela ne me tente pas vraiment. Des jeunes arrivent tous les jours de différents pays. Ils viennent y faire un stage religieux en vue de se convertir. Ils y restent 6 mois, 1 an, voire plus, reçoivent des cours sur la religion juive et apprennent l'hébreu. Je mangeais au côté d'une française qui arrivait, son père était juif mais sa mère catholique – alors elle n'est pas née juive et était dans l'obligation de faire ce stage avant de se convertir. On nait juif que si sa mère est juive.
Passer un mois dans cette ambiance avec une obligation de porter la kipa ne me réjouis pas trop. Enfin, je n'abandonne pas complètement cette piste, on peut peut être me proposer d'autres kibboutz non religieux, on ne sait jamais.
Le lendemain (mercredi 14 février) je tente une autre piste. Je loue un vélo et je pars battre la campagne pour demander à travailler dans les kibboutz. Je ne suis pas sûr d'avoir pris la meilleure route et les kibboutz sont loin à loin. Il y a beaucoup de moshavs. Ce sont des exploitations agricoles, souvent de la taille d'un kibboutz, mais privées. Ils prennent également beaucoup de volontaires et les paient environ 12 F de l'heure. Tous ceux qui veulent gagner un peu d'argent y vont mais c'est une ambiance de salariés et non communautaire comme dans les kibboutz. Les stagiaires salariés doivent se nourrir eux-mêmes.
La région de Tibériade est très vallonnée et …. j'en bave à pédaler. Je vais jusqu'à 35 km sans résultat. Je suis quand même encouragé dans l'un d'entre eux qui me dit que si je tombe sur un kibboutz dans le besoin de main-d'œuvre il y a de fortes chances pour qu'ils me prennent malgré mon âge. Sur mon chemin de retour, vers 3 h de l'après midi, il se met à pleuvoir avec un vent violent et je suis trempé, impossible de continuer. Je laisse mon vélo dans une ferme, un moshav, et je rentre par le bus. Cela fait flac, flac dans le bus, tout le monde se retourne vers moi. La pluie n'a pas cessé de la soirée. Je souhaite que le lendemain il y aura au moins 2 h sans pluie pour ramener mon vélo.
En entrant dans ma chambre d'hôtel, un petit dortoir, il y a un nouveau venu qui revient d'un kibboutz sur la frontière du Liban et …….il a 39 ans. Il pense qu'ils ont besoin de main-d'œuvre et que je peux arriver juste à temps pour le remplacer. J'ai l'adresse en poche, toutes les recommandations et, si tout va bien demain soir je serai dans le kibboutz, et, peut être pour y travailler. Je préfère me présenter plutôt que téléphoner, j'estime que dans mon cas c'est mieux.
J'arrive dans ce kibboutz vers midi, et je suis bien sûr invité à manger avec tout le monde. C'est la 4ème fois que je mange dans un kibboutz comme cela.
Mon cas les ennuie car ils ont vraiment besoin de main-d'œuvre et ils essaient d'arranger cela par téléphone avec l'agence de Tel Aviv. En attendant, on me désigne une chambre où je dépose toutes mes affaires - je préfère toutefois attendre pour déballer.
Dans ce kibboutz, il y a un autre français, originaire de St Hilaire du Harcouet dans le Manche. Il est ici depuis 9 mois. Il m'explique en gros la vie dans ce kibboutz avec tous les avantages et toutes les difficultés - il y en a ! Au bout d'une heure la responsable revient complètement désolée, l'agence de Tel Aviv n'accepte pas. Elle m'explique qu'il y a un problème d'assurance et le gouvernement a voté un texte dernièrement qui limite la durée de présence des volontaires à 6 mois. Aucune raison officielle n'est annoncée mais on dit ici que d'une part il n'y a pas assez de travail pour les israéliens et que peut être veut on faire de la place en prévision des immigrants d'URSS. Toujours est-il que c'est non et que je suis déçu - c'était la dernière chance.
Je repars le jour même pour rejoindre Jérusalem le soir. C'est la première fois que je roule en bus de nuit en Israël et, à un moment le bus s'arrête près d'une baraque militaire et attend. C'est la traversée de Jéricho et nous attendons le véhicule militaire qui escorte tous les transports en commun qui traversent la ville de nuit. Ce véhicule arrive suivi de 3 bus qui ont traversé dans l'autre sens. Il nous précède maintenant, leurs projecteurs balayant les deux côtés, et on suppose que les soldats à l'intérieur sont armés jusqu'aux dents. Cela fait quand même froid dans le dos. Les lumières intérieures du bus sont éteintes et nous scrutons dans le faisceau des projecteurs au cas où l'on verrait quelqu'un qui s'apprêterait à nous tirer dessus. Le bus est pratiquement collé au véhicule militaire. Mon voisin me dit que c'est le seul endroit escorté de nuit - une simple précaution. Le bus est plein et parmi nous une dizaine de soldats, tous armés, une mitraillette sur les genoux avec 2 chargeurs d'environ 40 balles.
En Israël, on voit des militaires partout et toujours armés. Les hommes font 3 ans de service, les femmes 2, et il n'est pas question de rester moisir dans les casernes comme chez nous.
Israël compte environ 3 500 000 habitants et la plupart des familles possède une arme de guerre avec les munitions. Dans toutes les maisons des kibboutz il y a une mitraillette prête à servir en cas de coup dur. Les militaires présents dans les kibboutz mangent avec les armes sous la table. C'est curieux à voir, mais pour eux c'est une routine, une simple prévention et en même temps une dissuasion.
Dans Jérusalem, j'assiste à une scène qui doit être assez courante. Dans une petite ruelle de la vieille ville il y a des déballages partout et souvent à même le sol sur des journaux. Une femme arabe est assise au sol derrière un petit tas de raisins secs qu'elle vend, quand un soldat israélien voulant en montrer à ses collègues marche en plein milieu du tas et continue son chemin comme si de rien n'était. Les 3 autres soldats rient aux éclats. Je rattrape le soldat et en lui tapant sur l'épaule lui dit non du signe de la main. Il a fait semblant de ne pas comprendre au début, alors je lui montre le geste du pied sur les raisins en lui signalant quand même que je suis touriste. La seule réponse que je comprends est "dégage". Je pars bien sûr mais tranquillement en lui montrant bien que je ne suis pas du tout d'accord avec le geste qu'il vient de faire.
On ressent une haine des deux côtés et les occidentaux ont tendance à prendre la défense des Israéliens, mais je peux assurer qu'ils sont loin d'être des anges. C'est un peuple très dur, sans pitié pour les faibles. Un français qui travaillait dans un kibboutz prenait l'exemple suivant : quand deux israéliens se croisent en franchissant une porte, celui qui s'efface pour laisser passer l'autre est considéré comme faible. Et cet exemple illustre assez bien la société israélienne, on ne peut pas dire que ce genre de réaction les rend accueillant. Je suppose que la guerre y est pour quelque chose dans ce tempérament. Pour vaincre il faut haïr l'ennemi, il faut démontrer que l'on est le plus fort à tout moment et en être persuadé. C'est un martelage perpétuel dans les esprits à l'armée. Ceux qui ont fait la guerre peuvent en parler mieux que moi.
Je séjourne 4 nuits dans un hôtel palestinien dans le vieux Jérusalem et le responsable de l'hôtel nous parle des conditions de vie des Palestiniens et nous demande d'en parler autour de nous pour que le monde sache exactement la réalité.
Je passe mon dernier jour en Israël en allant dans la ville d'Ebron pour voir la vie des Palestiniens. Les Israéliens disent "n'y allez pas, c'est trop dangereux, les enfants vous jettent des pierres, etc." Le responsable de mon hôtel de Jérusalem au contraire nous encourage à aller visiter ce foyer palestinien – "vous verrez, c'est la plus belle région d'Israël et les gens sont beaucoup plus accueillants que les Israéliens, les touristes n'ont rien à craindre". Eh bien j'y suis allé passer une journée.
Je prends le bus "arabe" pour cette destination, car il y a les bus arabes et les bus israéliens, et ces derniers ne vont bien sûr pas dans cette zone. Arrivé sur place, je marche dans les rues pendant plus d'une heure – je sens les regards sur moi – je suppose que ça se voit que je suis touriste, du moins je l'espère. Je ne vois aucun autre touriste dans la ville. A un moment, je suis accosté par un homme de la rue qui m'invite à prendre un café. Je lui fais confiance, sinon je ne serais pas là. Il m'emmène par des couloirs "coupes gorges" que je n'aurais jamais pris seul et nous discutons en buvant notre café. Il avait tout de suite vu que j'étais étranger, les Israéliens ne viennent jamais seuls comme cela. Je suis invité à manger chez lui - la conversation est centrée sur le problème palestinien – son frère dont la photo est accrochée au mur est emprisonné depuis 2 ans……. pour rien. Il y a plus de 200 000 palestiniens emprisonnés en Israël et beaucoup d'entre eux n'ont rien fait. Il m'explique que demain, il se peut qu'il soit mis en prison. Il suffit que dans son quartier des enfants jettent des pierres aux soldats israéliens - dans la plupart des cas les enfants ou les jeunes ne sont pas rattrapés par les soldats. Alors, en guise de représailles, les soldats débarquent dans une famille au hasard et disent "votre enfant nous a jeté des pierres hier, suivez nous", et tout ceci sans aucune preuve, sans aucun jugement……. c'est la guerre.
Pour mon hôte, si Israël domine les arabes c'est uniquement parce que les Etats-Unis sont derrière, et sans cet appui, les Israéliens ne tiendraient pas 2 mois. Je ne suis pas du tout de cet avis mais je me garde bien de lui dire. C'est vrai qu'ils sont aidés en matériel militaire, mais ce sont eux qui se battent pas les américains. Ils ont un tempérament gagneur, c'est sans doute l'armée la plus entrainée et la plus efficace au monde avec des services secrets que beaucoup de grandes puissances peuvent envier. Ils vont même jusqu'à enterrer leurs avions militaires – stockés sous terre à très grande profondeur, ils sont indestructibles.
Les Palestiniens sont opposés au fait que des jeunes étrangers viennent travailler dans les kibboutz. Pour eux, tous ces jeunes aident et défendent la cause israélienne en fournissant de la main-d'œuvre gratuite pour remplacer la tranche d'âge partie à l'armé (3 ans pour les hommes et 2 ans pour les femmes).
Kibboutz : Cela ressemble à un petit village – Athée pourrait être un kibboutz. C'est une organisation plus ou moins communautaire. Le travail était autrefois axé uniquement sur l'agriculture, mais comme chez nous, l'agriculture fait de moins en moins vivre son homme. Aujourd'hui la plupart possèdent une ou plusieurs petites usines qui font de la sous-traitance. Chaque membre du kibboutz a un travail bien défini, théoriquement en rapport avec ses goûts et compétences. Les grandes décisions sont prises en comité qui est élu, mais ……la démocratie est quelquefois détournée (je n'ai pas eu plus de détails). Les repas se prennent dans un grand réfectoire tous ensembles. C'est un système self-service avec un très grand choix. Ainsi, les familles ne font en principe jamais de cuisine. Je ne sais pas comment elles font pour recevoir des amis ou de la famille, mais je suppose que c'est ouvert à tous comme pour moi qui, à chaque fois n'était qu'un visiteur anonyme sans rien avoir à débourser.
Chaque famille a à sa disposition une maison particulière, en général petite car au départ elle n'était prévue que pour dormir. Actuellement, dans la plupart des kibboutz les enfants vivent avec la famille, en noyau familial, ce qui n'était pas le cas au début des kibboutz où les enfants étaient élevés en communauté par des nurses.
Le kibboutz possède des voitures qui peuvent être empruntées par tous les membres. Tout ce dont ils ont besoin est fourni par la communauté, sauf sans doute l'habillement de sortie et le superflu. Chaque membre reçoit une indemnité mensuelle pour faire face à ses dépenses personnelles. L'école a lieu dans le kibboutz ou regroupée pour les petites communautés.
Les jeunes fuient de plus en plus cette organisation car les relations et les divertissements sont très restreints. L'initiative personnelle y est freinée.
C'était certainement une solution appropriée au départ d'Israël en 1948 avec des gens arrivant de tous les horizons. Elle reste adaptée pour les personnes nouvelles qui arrivent sur le territoire. Par exemple, les réfugiés venants d'URSS n'ont pas de soucis à se faire – c'est une structure très adaptée pour l'intégration des nouveaux arrivants. Mais maintenant, les jeunes demandent plus de liberté. C'est un milieu trop fermé pour eux – on vit toujours avec les mêmes personnes, travail, repas, temps libre, loisirs, etc. En France on aime bien séparer travail et vie privée.
Je quitte Israël avec un sentiment de découverte au-delà de ce que je l'imaginais avant mon arrivée. Je peux dire merci à la nouvelle règlementation qui restreint le nombre de bénévoles dans les kibboutz. Sans ce refus je n'aurais pas découvert la moitié de ce que j'ai pu vivre sur ce territoire en rencontrant une foule de personnes de tous horizons.
Retour en Jordanie
Retour à Amman le dimanche 18 février pour l'obtention d'un visa pour l'Inde. Je ne pouvais pas le demander en Israël car j'aurais eu un cachet sur mon passeport de l'ambassade de l'Inde à Tel Aviv, ce qui aurait attesté que je suis allé en Israël – avec pour conséquence la fermeture de tous les pays arabes.
On m'avait dit que quand les ambassades voulaient dégoûter le visiteur elles trouvaient tous les prétextes possibles pour compliquer les démarches. Eh bien j'en ai la preuve pour l'Inde à Amman. Je dois fournir le nom de ma mère, mon père, de mon grand père – la lettre de recommandation de l'ambassade de France, écrite en Français et en Arabe ne leur convient pas. Il me faut signaler la ville d'entrée dans le pays, celle de sortie, tout ce que j'ai l'intention de visiter avec le nom des villes, etc. Alors, je remplis en mettant des "noms". J'avais mis 4 villes et j'ai la réflexion : "c'est tout" ! Je réponds avec un grand oui affirmatif. Bon, apparemment ça va, c'est complet. Je demande combien de temps cela peut demander pour obtenir le visa – on me répond " une semaine ou deux, on doit demander l'autorisation en Inde". Excédé, je reprends tous mes papiers, mon passeport, et ….. au revoir et merci.
Je peux me permettre de le faire car je sais qu'il me faudra au maximum 48 h pour l'obtenir au Pakistan. C'est fou, c'est en principe un des pays qui le donne le plus facilement et là, parce que quelques personnes veulent montrer leur pouvoir, leur autorité, elles font la pluie et le beau temps. Je n'ai nullement l'intention de séjourner deux semaines supplémentaires à Amman rien que pour ce passeport.
Après midi du 20 février : nous décidons, un américain et moi, d'aller visiter un camp de réfugiés palestiniens dans la banlieue d'Amman. Le responsable de l'hôtel nous dit que ce ne sera pas possible, nous ne serons pas autorisés à entrer. Tant pis, on verra bien.
Nous marchons dans une grande rue goudronnée, vers le camp, quand deux policiers nous demandent ce que nous venons faire ici. Nous leurs expliquons que l'on est touristes et que l'on est intéressés par la visite du camp, de voir les conditions où les gens vivent, car on ne connait que les reportages à la télévision. Ils semblent surpris mais nous laissent continuer notre chemin. Nous nous enfonçons un peu plus en empruntant des ruelles de terre. Très vite, un jeune coiffeur nous interpelle et nous demande de venir dans son "salon" prendre un thé. Au bout de 10 mn, nous sommes entourés d'une dizaine de Palestiniens. La conversation tourne bien sûr autour du problème palestinien, Israël, les camps, etc. Ils sont sans pitié pour Israël (on s'en doutait). Pour eux, la seule solution d'avenir est l'extermination de tous les Israéliens. Un vieux sort un poignard de sa ceinture et me le met sous le nez pour me montrer toute sa rage envers les Israéliens. Je n'ai pas peur car je sais que sa colère ne m'est pas destinée. Ils ne veulent en aucun cas entendre parler de solution négociée ni d'un partage du territoire avec Israël. La discussion est plutôt animée et les gens défilent dans le salon pour nous voir et essayer de nous parler de leurs problèmes. A un moment, je suis resté seul dans le salon avec une dizaine de Palestinien quand l'un d'entre eux me soupçonne d'être Israélien, et d'être en sorte un espion. Je suis obligé de sortir mon passeport, mais malgré cela, il ne me croit pas. Heureusement, nous avions déjà sympathisé et le reste du groupe l'a calmé. Il n'empêche qu'ici, tout étranger est plus ou moins suspect et je ne donne pas cher à la peau d'un Israélien dans ce camp – s'il est découvert, il est impossible qu'il en sorte vivant.
Dans ce camp, escorté par deux jeunes, nous visitons une école où nous sommes reçus par le directeur qui nous explique le fonctionnement. Ils reçoivent une aide de l'ONU sous la forme de livres scolaires. Les jeunes nous emmènent ensuite dans ce que nous pourrions appeler chez nous une galerie de peinture. Par ces peintures ils expriment toutes les souffrances qu'ils ont endurées – beaucoup de barbelés, de sang, de visage en souffrance. Il faut tout enregistrer avec les yeux et oublier l'appareil photo.
Nous finissons dans la famille du jeune coiffeur où un repas nous attend (le téléphone arabe fonctionne même dans les camps). Un grand plat au milieu du salon et tout le monde assis autour sur des coussins. On mange avec la main et l'on se sert du pain comme cuillère. On m'inviterait chez Maxim's à Paris, j'y trouverais moins de satisfaction que dans cette famille. Au retour, il fait nuit, et les jeunes préfèrent nous reconduire jusqu'au bus pour notre sécurité.
Malgré quelques frissons dans le dos, ces moments sont inoubliables. Nous avons osé et nous avons été largement récompensés. Nous avons joué la simplicité et la sincérité et jamais hésité à exprimer notre point de vue lorsque nous n'étions pas en accord avec eux. Je pense qu'ils ont beaucoup apprécié notre visite mais………… hou, il faut oser !
Départ pour le Pakistan par avion. Je suis un peu fatigué des pays arabes et décide de ne pas traverser l'Irak. Prix du billet Amman-Karachi : 1600 F.
Arrivé à l'aéroport D'Amman pour embarquer, je subis la fouille traditionnelle – passage du sac à dos à la radiographie et, problème : "vous avez du gaz dans vos bagages". Oui, j'ai du gaz pour mon réchaud – je voyage avec le nécessaire pour cuisiner. Je sors mon réchaud et la cartouche de rechange – le douanier regarde le tout de près comme s'il voyait un tel engin pour la première fois. Un militaire essaie même de démonter mon réchaud et je suis obligé de lui retirer des mains et l'engueuler – il va m'enlever la cartouche à moitié pleine en plein milieu de l'aéroport. Grosse discussion – je n'ai pas l'intention de leur laisser mon réchaud - mais les c. ils veulent tout garder. Je leur propose de dévisser la cartouche à l'extérieur de l'aéroport – à 100 m - 500 m s'ils veulent. Je leurs explique qu'il n'y a aucun danger et pour leurs montrer je commence à dévisser sous leur nez. On entend "pschitt" – tout le monde recule – pas forcément très content. Je décide de sortir moi-même de l'aéroport pour l'ouvrir à l'extérieur mais l'on m'en empêche. Je dois réexpliquer une autre fois qu'il n'y a aucun danger et convaincre l'un d'eux. Je sors bien accompagné et je retire la cartouche avec d'autant plus de facilité qu'elle est presque vide. Les douaniers s'excusent à mon retour et me souhaitent un bon voyage.
En fait, ils ne connaissent pas ce type de réchaud et j'ai bénéficié du fait qu'ils parlaient très mal l'anglais. Je suis bien placé pour savoir le handicap que cela peut représenter. Je garde donc mon réchaud – sans gaz – avec l'espoir que je trouverais des recharges à Hong Kong ou au Japon.